mardi 14 mars 2017

Vermeer au Louvre, prêts pour un record ?

Le musée du Louvre exhibe actuellement 12 Vermeer, parmi d’autres merveilles.
Il a justifié le chaos des réservations et de l’accueil des visiteurs en déclarant que 9400 personnes étaient venues pour voir l’exposition le jour de l’ouverture, 22 février 2017. Il n’affirme pas qu’elles l’ont vue, mais qu’elles « se sont présentées », car l’aire du hall Napoléon consacrée aux expositions temporaires ne peux pas accueillir autant de visiteurs. Les plus gros triomphes du Louvre font état de pics entre 4000 et 5000 visiteurs, certains jours.

Laissons-nous aller à un petit calcul récréatif.

Les toiles de Vermeer seront exposées du 22 février au 22 mai, soit pendant un total de 856 heures, à raison de 4 jours de 9 heures et 2 jours de 12h45 par semaine, et en tenant compte des nocturnes supplémentaires promises pour calmer les irritations.
Supposons qu’un visiteur stationne 1 minute et 20 secondes devant chaque tableau (c’est une moyenne), soit 1h30 par visite. 856 heures d’exposition autoriseront ainsi 570 visites de 90 minutes (856 / 1,5).

Il reste à déterminer le nombre de visiteurs simultanés.

Les normes de sécurité (notamment incendie) dans les lieux recevant du public, musées ou expositions, interdisent de dépasser une personne pour 5 mètres carrés accessibles au public, sauf autorisation d’une commission de sécurité.
Dans le cas du hall Napoléon du Louvre, l’aire d’exposition faisant 1350 mètres carrés, la moitié étant dévolue aux 45 immenses toiles de Valentin de Boulogne, l’autre moitié, dédiée aux 70 petits tableaux de l’exposition Vermeer, ne devrait donc pas accepter plus de 135 visiteurs en même temps.

Ainsi, en respectant les normes de sécurité, 77 000 personnes seulement verraient les Vermeer (570 x 135), dans des conditions acceptables pour une admiration sereine, à raison de 2 personnes en permanence devant chaque tableau.

Si le Louvre se permet quelque liberté avec les normes, histoire de se rétablir un peu après sa mauvaise année 2016, et autorise en permanence 5 personnes devant chaque tableau, 3 au premier plan et 2 derrière qui regardent dans l’espace entre leurs épaules, alors 200 000 personnes verront les Vermeer, soit 2100 à 3000 par jour.
C’est la limite haute des grands succès du Louvre (n’oublions pas que les records affichés de 4000 à 5000 visiteurs par jour valent pour l’ensemble de la surface disponible, dont l’exposition Vermeer n’occupe que la moitié). Parmi ces 200 000 personnes, nombreuses sont celles qui auront du mal à apercevoir les 12 Vermeer, tant ils seront monopolisés.

Enfin, la plupart des œuvres mesurant moins d’un mètre en largeur, cadre compris, et l’écartement qui les sépare étant encore moindre, toute configuration qui excèderait 200 000 personnes (5 par tableau) ne permettrait pas aux couches supplémentaires de spectateurs de voir les œuvres. Pourtant si l’on s’appuie sur les 9400 prétendants du premier jour, on peut sans risque estimer qu’au moins 750 000 fanatiques seraient prêts à se lancer dans l’aventure hautement aléatoire d’une visite de l’exposition (voir les 1 200 000 en 4 mois et demi qui ont visité la collection Chtchoukine).

En conclusion, le Louvre a organisé, dans un espace pouvant accueillir dans les pires jours 2000 à 2500 personnes, une exposition dont il a fait une abondante promotion et dont il savait pertinemment que la même exposition à l’Orangerie de Paris en automne 1966 (« Dans la lumière de Vermeer » réunissait également 12 Vermeer) avait attiré 6000 visiteurs par jour.
On pourrait rappeler à ces organisateurs-nés l’humilité du musée Mauritshuis de La Haye qui en 1996, dès les premiers jours de la grande rétrospective qui regroupait 23 Vermeer (et 400 000 amateurs, près de 5000 par jour), avait en quelques heures réaménagé et augmenté d’un quart la surface de l’exposition, sous la pression des visiteurs.

Mais ne rêvons pas, tout a été au Louvre tellement sous-dimensionné qu’il n’y a plus rien à faire, et il serait impensable d’interrompre brutalement et reporter l’exposition jumelle de l’infortuné Valentin de Boulogne, même si elle ne voit certainement passer quasiment aucun visiteur, les amateurs étant empêchés ou découragés par la désorganisation du système commun de réservation.

Autre exemple de gestion brillante de l’accueil des visiteurs dans un musée parisien, en 2012 le musée d’Art moderne ferme pendant la rétrospective Robert Crumb, en ne prévenant quasiment que par affichage sur place.

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