samedi 30 juillet 2011

La vie des cimetières (38)

Dans la série « Célébrons les libérateurs de l'humanité souffrante », nous saluerons aujourd'hui un prophète méconnu, Samuel Hahnemann, fondateur de l'homéopathie.
Parmi les croyances populaires en de fausses sciences, celle qu'il ensemença est une des plus tenaces, et elle est promise, comme l'astrologie ou la prévision météorologique, à un avenir rayonnant dans les siècles des siècles.
Le principe est simple, c'est la justice primitive du talion appliquée à la médecine « traiter les malades par des remèdes produisant des symptômes semblables à leurs maladies ». Pas trop fort, de manière infiniment diluée, sinon ils tomberaient encore plus malades. Disons-le tout de suite aux crédules, cette pénétrante innovation scientifique n'est pas applicable à toutes les affections, surtout si le patient souffre d'un membre arraché ou d'un éventrement intempestif. Mais on raconte que le procédé fonctionne quelquefois, sur des fidèles et dans les limites de l'effet placebo.

S'il ne soigna pas plus de malades que le mythomane « docteur » Freud, que les eaux douteuses des piscines sanctifiées de Lourdes, ou que la concierge du 23 rue de l'adjudant Siegfried Jambon, Hahnemann est toutefois devenu de nos jours un des plus fructueux bienfaiteurs de l'industrie pharmaceutique française. Quand on pense qu'il fut un temps persécuté par les pharmaciens dont il aurait alors mis le commerce en péril !

Le tombeau d'Hahnemann, quelque part dans le cimetière du Père-Lachaise.

En 1843 Hahnemann, pourtant prospère et reconnu, était enterré discrètement au cimetière Montmartre. En 1898, à la fin imminente de la concession et devant l'état d'abandon de la sépulture et le risque d'expulsion sans ménagement vers la fosse commune, les homéopathes internationaux organisèrent une souscription et le transfert de leur bienfaiteur vers le cimetière du Père-Lachaise, jugé plus chic.
Le récit de l'exhumation est délicieux. Dans le cercueil, conséquence des infiltrations d'eau, ne restait pour tête qu'une vague éponge dans laquelle ce qu'avait peut-être été jadis le docteur Samuel Hahnemann était dilué à dose tellement homéopathique qu'il en était méconnaissable. On le reconnut à quelques objets près de lui.
En 1900 était inauguré au Père-Lachaise le pesant monument actuel, surmonté d'un buste du prophète sculpté en son temps par l'excellent et onéreux David d'Angers, portraitiste des célébrités. On peut lire, sous le buste « Non inutilis vixi - je n'ai pas vécu en vain ». Et ce ne sont pas les laboratoires Boiron qui le démentiront.
Le tombeau fait depuis l'objet de soins attentionnés.

lundi 25 juillet 2011

Des photos en pagaille

Une belle photo est limpide. Les formes, l'organisation des lignes et la distribution des volumes en rendent la lecture aisée, l'intention évidente. Une belle photo en dit un peu plus que la réalité qu'elle représente. Pas trop, comme un glacis de vernis translucide donne de la profondeur à une peinture. Une belle photo est imprévue, pas farfelue. Elle peut avoir été prise par le voisin de palier. Une belle photo semble authentique, plausible, on apprendra peut-être un jour qu'elle avait fait l'objet d'une mise en scène, mais trop tard. Elle aura marqué l'imaginaire.

Photo aimablement prêtée par un voisin de palier (2005, © JFP)

Qui a le temps de respecter ces critères, de passer ses journées à ne rien faire d'autre qu'épier l'évènement, l'observer du dehors, le décortiquer sans le vivre, à se faire expulser de lieux interlopes ou de cimetières de province parce qu'on le prend pour un profanateur pervers, à demander au quidam qui vient d'accomplir l'exploit de sa vie de le refaire sous un angle plus avantageux ?
Personne, excepté quatre ou cinq grands photographes qui ont pour nom Kertesz, Erwitt, Cartier-Bresson, Doisneau, Koudelka.
Et de ces photographes, on ne trouve pas aisément sur internet des reproductions plus grandes qu'un timbre et en nombre suffisant, sinon sur une espèce de blog en forme de capharnaüm impérialiste nommé Onlinebrowsing.

Le propriétaire du blog n'a peur de rien. Une monographie lui plait, il en scanne toutes les reproductions et les jette à la queue leu-leu, sans référence pour chaque photo, si bien qu'il n'est pas rare de trouver, au milieu des œuvres de l'un, des photographies d'un autre qui l'a influencé, sans en être crédité par un quelconque commentaire. Le propriétaire ne s'embarrasse pas non plus de l'ordre alphabétique pour classer sa liste de mots clef, ainsi les photographes sont triés dans l'ordre de leurs prénoms. Il faudra penser à chercher Kertesz dans les A. Enfin, ses pages surchargées de reproductions (jusqu'à 200) mettent tant de temps à s'afficher qu'il est conseillé, une fois la page chargée, de regarder les photos en détails dans un autre onglet ou une nouvelle fenêtre (1).

Mais ce blog est un mine d'or. Beaucoup de photos d'Elliott Erwitt, de Joseph Koudelka, d'André Kertesz, encore plus d'Henri Cartier-Bresson, et des florilèges des grands journaux et magazines, un siècle de photos du New York Times, 70 ans du magazine Life, une anthologie du magazine National Geographic.
Alors récupérez sans tarder vos images préférées avant que le blog ne soit foudroyé par le dieu vengeur des droits d'auteur.

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jeudi 14 juillet 2011

Commémorons l'hiver

Rappelant la fête nationale française, Guy Sorman vient d'écrire aujourd'hui un court billet (14 juillet, Fête de l'amnésie) excellent, comme souvent. Il n'y a pas grand chose à y ajouter, sinon l'illustrer d'images qui n'ont surtout rien à voir avec un sujet aussi faisandé.


dimanche 10 juillet 2011

Fable de synthèse (scène 1)

Le générique et le préambule sont en fin de page.

Voir la scène 2.

Générique (complété à chaque publication)

Les animaux, végétaux et cailloux sont dressés par Noggin (les rats), PiSong Design (le vautour), MallenLane (l'arbre), Sequestrian & autres (le zombie).
Les décors et les costumes sont maintenus par Dartanbeck (les étoiles), Faveral (le bistro, l'église), Lisa Buckalew et LaurieS (le cimetière), Powerage (l'immeuble), The AntFarm (la citerne et les toits), Jack Tomalin (la gare).
La lumière, la mer, les nuées, et toutes les grandes choses de la création sont calculées par Carrara 8 Pro.

Toute ressemblance avec des personnalités ou des situations existantes ne peut être que purement intentionnelle.

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Préambule
Le dessin en trois dimensions calculé par ordinateur (3D, images de synthèse) progresse avec la puissance des machines. Ce monde de maquettes et de poupées a depuis quelques années envahi celui du cinéma. Dorénavant, sur l'écran on ne distinguera plus la réalité filmée de sa copie virtuelle recalculée.
Quantités de modèles 3D sont disponibles (gratuitement ou non) qui évitent à l'amateur de passer des centaines d'heures à modeler chaque brin d'herbe de ses décors et chaque plume de ses personnages. Il fait son marché dans cet universel bric-à-brac. Il devra un peu modifier, sculpter, déformer, habiller, décorer, animer ses emplettes, mais le plus gros du travail est fourni. Il lui reste à fignoler le récit, la mise en scène, l'éclairage et se prendre alors pour Fellini, Kubrick, Hitchcock, Tati, voire Max Ophüls, changer la couleur de la poussière qui ne convient pas, pour finalement revenir sur la couleur précédente, satisfaire tous ses caprices. Les personnages ne se plaignent jamais et les décors ne vieillissent pas. Il faut les dégrader intentionnellement.

Ce Glob est Plat présente aujourd'hui une expérience. Une bande dessinée réalisée en images de synthèse, avec des moyens d'amateur. Les textures seront parfois approximatives, les décors un peu creux, et on veillera à ne pas trop faire pivoter la caméra virtuelle pour ne pas révéler l'immense vide qui entoure la scène. L'histoire sera un peu improvisée et le rythme de publication probablement irrégulier.
C'est une expérience. Elle n'a pas de titre pour l'instant.


Mise à jour du 10.11.12 : la bande dessinée est momentanément suspendue pour des raisons d'incompatibilité du logiciel de dessin 3D avec le nouveau système d'exploitation sur lequel il devrait tourner.


dimanche 3 juillet 2011

Culture et élevage

L'arrivée du soleil inspire régulièrement au salarié un appétit irraisonné de dépaysement, qu'il n'a souvent pas le temps d'organiser. Il s'adresse alors à l'agence de voyage, qui profite de cette imprévoyance pour abuser de sa confiance.
Et la tromperie tient à peu de choses. Une seule lettre substituée dans un dépliant et le brave touriste qui pensait s'extasier aux pieds de l'immémorial temple du Parthénon, sur l'Acropole d'Athènes, se retrouve à l'Agropole d'Asciano, exploitation agroalimentaire dans la campagne toscane.
On dit que nombreux ne voient pas la supercherie.

Extrait du dépliant touristique de l'agence Un grand plaisir dans la culture :
« L'Agropole est l'un des sites les plus renommés de l'histoire de l'humanité. C'est un plateau rocheux naturel sur lequel les grecs antiques construisirent, voici 2400 ans sur les conseils du grand Platon, les plus immenses hangars à céréales et fourrage de l'antiquité. Édifiés sur une hauteur presque inaccessible, ils étaient protégés contre la rapacité des barbares qui s'impatientaient aux frontières de la glorieuse cité. Hélas la défense du site et l'approvisionnement des habitants étaient rendus très difficiles pour les mêmes raisons. Les barbares n'eurent aucune difficulté à brûler l'ensemble à l'aide de flèches enflammées et quasiment tous les grecs moururent de la famine. On demanda à Platon de ne plus s'occuper que de philosophie. Ce fut la fin de la grande époque classique. »